Utopies, Résistances
De nombreux artistes expérimentent des modes de production
collectifs et élaborent des oeuvres revendiquant clairement un
caractère à la fois utilitaire, politique et utopique.
Absalon
réalise des "cellules". Ce sont des maisons blanches sans
fondation qui peuvent être posées ou installées
partout.
L'espace
aseptisé est conçu pour un seul
individu ; il y a des toilettes et un lavabo, des néons. Ce sont
aussi des sculptures épurées qui s'affirment et se
distinguent formellement des divers environnements dans lesquelles
elles s'inscrivent. Au sens propre comme au sens figuré, l'oeuvre
se définit comme un habitat, un lieu sans attache où se
replier et s'abriter.
Krzystof Wodiczko conçoit un abri roulant pour les sans-logis.
Andrea Zittel réalise des sculptures habitables modulables au
gré de chacun.
Fabrice Gygy aménage des espaces communautaires : kiosque,
buvette, salle de sport.
A Berlin, Martin Kippenberger fonde un bureau favorisant les
échanges et la collaboration artistique. En 1994, Fabrice Hybert
crée avec des partenaires et amis UR-sarl (Unlimited
responsability, société à responsabilité
limitée) afin, dit-il, de "favoriser des
échanges et de soutenir des projets tant dans le monde de l'art
que dans celui de la recherche et de l'entreprise".
En 1995, l'artiste hollandais Joep Van Lieshout fonde une entreprise
pluridisciplinaire rassemblant des plasticiens, des designers et des
architectes. Les membres de l'Atelier Van Lieshout travaillent de
manière collective dans les domaines de l'art contemporain, du
design et de l'architecture en produisant des meubles, des sculptures,
des mobile homes et des espaces fonctionnels. Ils mettent aussi
à disposition du public des plans et des descriptifs d'oeuvres
permettant de les fabriquer soi-même.
En 2001, ils
fondent
AVL-Ville. Installée dans le port de Rotterdam, AVL-Ville
fonctionne comme un "Etat-libre" autonome. Les habitants
brassent leur
propre bière, font pousser leurs légumes, régulent
et gèrent l'ensemble de leurs activités et de leurs
échanges.
Les Guerilla Girls rassemblent des
femmes travaillant dans tous les domaines de l'activité
artistique. Elles demeurent anonymes et n'apparaissent en public qu'en
portant des masques de gorille. Chacune d'entre elles prend le nom
d'une artiste défunte. S'appuyant sur des enquêtes et des
statistiques montrant le taux de représentation dérisoire
des femmes et des minorités ethniques dans le monde de l'art,
elles luttent en produisant et en diffusant des tracts, des affiches et
en réalisant de nombreuses interventions.
Les artistes se définissent eux-mêmes comme des
entrepreneurs, des concepteurs et des médiateurs. Ils inventent
de nouveaux modes d'intervention sociale, de nouvelles manières
de produire et de diffuser la pensée et les oeuvres : ils
contrecarrent les institutions en proposant d'autres modes de relation
à soi-même et aux autres...